Chifflet décrit le Lac d’Antre et son environnement dans les années 1640
Né le 20 septembre 1592 à Besançon. Il appartenait à une famille patricienne qui compta plusieurs générations d’érudits. Entré dans la Compagnie de Jésus en 1609, il poursuivit sa formation à Lyon et à Avignon jusqu’en 1618. Déjà son gout pour l’histoire religieuse était vif. Il aida son frère ainé, Jean-Jacques, pour l’achèvement du Vesontio, paru en 1618. Durant les années 1618-1626, où il enseigne, dans les collèges de Tournon, Vienne, Chambéry et Lyon, les humanités, la rhétorique et la philosophie. En 1626, il regagne la Franche-Comté. Après un passage à Besançon et à Pontarlier, il est nommé au collège de Dole où il restera jusqu’en 1630.
Le jésuite Pierre-François Chifflet était devenu un expert reconnu dans l’hagiographie de la France et de la région de Franche-Comté, en particulier, il fut un précieux collaborateur du début des Bollandistes, à qui il a envoyé de nombreux textes hagiographiques. En 1627, il soumet au Père ROWEYDE le plan de toute une hagiographie de la Franche-Comté et des régions voisines, qu’il pense éditer. Sa curiosité est sans limite. Son intérêt se porta sur toutes les richesses de l’Abbaye de Saint-Claude, anciennement Saint-Oyend ; d’avance il trace le plan d’un vaste ouvrage, basé sur des textes anciens, qu’il intitulera Sacrarium monasterii Jurensis Condatiscensis.
En mai 1667, permission est donnée à CHIFFLET de publier les Illustrationes Claudianae, qui sont une partie de son ouvrage sur Saint-Claude. En 1681, CHIFFLET qui a maintenant quatre-vingt-neuf ans, dit toujours son espoir de voir imprimer le Sacrarium monasterii Jurensis. Il meurt le 5 mai 1682.
Dans son ouvrage sur VILLARDS D’HERIA, Lucien LERAT en 1965, indiquait que « l’anonyme de Besançon » donnait le texte de la dédicace à Mars Auguste d’après « le père CHIFFLET ». LERAT continue : « il s’agit certainement de Pierre François CHIFFLET et l’ouvrage où celui-ci avait pu parler des découvertes, toutes récentes, du lac d’Antre doit être son Sacrarium monasterii Jurensis Condatiscencis, ouvrage demeuré en grande parti manuscrit… Il ne m’a pas été possible de faire faire sur le manuscrit conservé à Bruxelle les recherches nécessaires. »
C’est dans un document annexe à l’ouvrage mentionné par LERAT que se trouve le document relatif au lac d’Antre : Illustrationes jurenses, et dans le chapitre V dont le titre est : où situer la villa Jurensium dont il est question ? Le chapitre est composé de quatre pages où on trouve, en effet, une transcription de l’inscription Marti Augusto.
Pierre François CHIFFLET pourrait être le premier historien à écrire sur le lac d’Antre. Son ouvrage était prêt pour imprimer dès l’année 1667, « l’ouvrage est considéré comme achevé, puisque le manuscrit est soumis à la censure des supérieurs jésuites romains, qui l’approuvent».
Une fois ce document retrouvé, il était écrit en latin du moyen-âge et nécessita plusieurs intervenants (G. GRILLON, G. MOYSE et F.DOLBEAU) tant pour son analyse, sa transcription que sa traduction.
Chifflet – localisation de la Villa Jurensium
Villa Jurensium est l’expression qui désigne le lieu où Saint Romain et Saint Lupicin se retirèrent. L’auteur anonyme de la vie des Saints Romain, Lupicin et Oyan, exposée dans la vie des Pères du Jura, écrivait au 6ème siècle, que Saint Romains se retira dans les déserts voisins de la ville du Mont-Jura : « Vicinas Jurensium Villae, silvas intravit ». Il s’agirait donc selon DUNOD DE CHARNAGE de la commune de Villards d’Héria.
CHIFFLET démontre que la Villa Jurensis qui accueilli Saint Romain ne peut en aucun cas être Saint-Claude, mais le site de la commune de Jeurre.
Chifflet – Une construction dans le lac
Chifflet voit dans le lac en période de basses eaux un édifice (et non pas plusieurs) dont les merlons et le faite de toit apparaissent.
« Aussi, – à notre époque le niveau du lac s’abaissant parfois un lac s’y dépose par intermittence -, rappelle-t-on que des merlons et faîtes de toit d’un édifice fondé-là ont, à ce qu’on dit, dépassé de la surface de l’eau. »
Chifflet – Un atelier monétaire
CHIFFLET indique la possibilité d’un atelier monétaire aux abords du lac, avec de nombreuses monnaies voire des masses d’argent pur.
« D’aucuns conjecturent que des ouvriers monétaires y ont résidé parce que là ou aux abords on dit avoir trouvé à notre époque, outre des pièces (de monnaie) anciennes très nombreuses, une importante masse d’argent brut, qui semblait préparée pour frapper de la monnaie »
Y-aurait-il une continuité dans la frappe de la monnaie entre l’époque gallo-romaine et l’époque mérovingienne ?
Chifflet – Le trésor de Saint Lupicin
Dans le manuscrit de CHIFFLET on retrouve la même mention que dans la vie des Pères du Jura, où il est question que Saint Lupicin accédait à un trésor chaque année : « Il arriva, comme l’Abbé Lupicin ne possédait pas de quoi nourrir une si grande communauté, que Dieu lui révéla, dans le désert, un endroit où jadis avaient été enfouis des trésors. A cet endroit, il se rendait seul, et il rapportait au monastère tout l’or et l’argent dont il avait pu se charger ; avec cela, il achetait des provisions et nourrissait les multitudes de frères qu’il avait rassemblées au service de Dieu. Ainsi faisait-il chaque année. Maie à aucun frère il ne dévoila l’endroit que le Seigneur avait daigné lui révéler. »
« (Note marginale) Comme Grégoire de Tours rapporte, au livre De vitis Patrum, chap. 1, num. 3 [voir Appendice à VPJ, p. 452-453], que s. Lupicin avait trouvé, par révélation divine, des trésors d’or et d’argent, de quoi nourrir sa sainte famille, il en est qui pensent que ces trésors avaient été jetés dans le lac d’Antre, ou enfouis dans ses environs par les Romains, lorsque, devant le déferlement en Gaule des Vandales et des autres peuples nordiques qui avaient franchi le Rhin, ils avaient dû leur céder la place. »
Sans connaitre la notion de Ville d’Antre, développée par DUNOD en 1697, CHIFFLET présente un embryon d’agglomération qui s’étend de Jeurre sur la rivière « Bienne » pour remonter jusqu’au lac d’Antre.
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